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17 novembre 2022

Le board : un organe de gouvernance aux multiples facettes

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Organe de gouvernance incontournable d’une startup, le “board” joue un rôle à part dans le fonctionnement d’une startup. S’il a un rôle dans la prise de décisions au sein d’une société, il ne peut pas impulser la prise de décisions comme les associés ou les dirigeants de la société. S’il est souvent composé d’associés et de dirigeants de la société, il n’a pas le statut d’associé ni celui de dirigeant de la société. Si sa mise en place est parfois redoutée par les fondateurs d’une startup, ces derniers finissent parfois par y trouver un intérêt. Mais qu’est-ce qu’un board ? Quel est son rôle ? Quel est son pouvoir ? Est-ce qu’un board peut avoir du bon ? Un board est-il un frein ou une aide à la prise de décisions ? Notre expert Omada vous propose dans cet article un tour d’horizon du board et de ses multiples facettes.

1. Qu’est-ce qu’un board au juste ?

Dans le monde de l’entreprise, employer le terme « board », dont la traduction littérale serait peu aisée à figer – conseil, comité, directoire, etc. – peut renvoyer à de nombreuses réalités bien différentes les unes des autres.

Ce terme est en effet passé dans le langage courant des affaires et revêt différentes significations en fonction du rôle et du pouvoir dont jouissent les membres de cette instance.

Initialement, le terme anglais de board a été emprunté à la pratique anglosaxonne et fait référence aux comités des sociétés britanniques ou américaines dont le rôle est de superviser et d’administrer les sociétés, comités qui ressemblent aux conseils d’administration des sociétés anonymes françaises dotées d’un conseil d’administration. Dans une société anonyme à conseil d’administration, le conseil d’administration est chargé de déterminer les orientations de l’activité de la société et de veiller à leur mise en oeuvre et son fonctionnement est strictement régi par le code de commerce. Par exemple, le conseil d’administration d’une société anonyme détermine le mode d’organisation de la société en procédant à la nomination du directeur général.

Dans une startup, lorsqu’on parle de board, on est assez loin d’un organe équivalent au conseil d’administration d’une société anonyme. Le board d’une startup n’a ni les mêmes pouvoirs, ni les mêmes responsabilités qu’un conseil d’administration de société anonyme. Le fonctionnement du board d’une startup est beaucoup plus libre que celui du conseil d’administration d’une société anonyme car, dans l’immense majorité des cas, une startup est constituée sous forme de société par actions simplifiée. Or, le code de commerce offre une très grande liberté aux associés d’une société par actions simplifiée pour organiser la gouvernance à travers les statuts de la société et un éventuel pacte d’associés.

Ainsi, au sein d’une startup, deux grands types de board peuvent voir le jour : i) un board consultatif ou ii) un board décisionnaire.

Un board consultatif (« advisory board » en anglais) est un board mis en place soit dans des jeunes sociétés qui créent cet organe pour rassembler leurs conseillers de la première heure et leur donner un statut “officiel” et ainsi les remercier du temps passé et des conseils prodigués, soit dans des sociétés beaucoup plus matures qui reprennent à leur compte une pratique de plus en plus observée aux Etats-Unis consistant pour les dirigeants à s’entourer de personnes au profil remarquable qui auront un apport stratégique et pourtant être des relais de visibilité et de crédibilité pour la société.

Les membres de ce type de board sont là pour apporter leur expertise et expérience aux dirigeants de la société, ces derniers ayant la liberté de prendre en compte ou non les conseils et avis apportés. Autrement dit, les dirigeants et associés de la société ne sont pas tenus par les avis des membre du board consultatif.

Mais il arrive que le board ait un pouvoir plus important. C’est le cas dans les startups qui lèvent des fonds auprès d’investisseurs professionnels. Les investisseurs professionnels et en particulier les fonds d’investissement conditionnent leur entrée au capital à la mise en place d’un board dont le rôle ne se limite pas à une posture consultative.

Penchons-nous plus en détail sur le rôle du board dans une startup qui a levé des fonds.

 

2. Goog cop ou bad cop : le board est-il un frein ou une aide à la prise de décisions dans une startup financée ? 

Lorsqu’une startup lève des fonds auprès d’investisseurs professionnels, ces derniers exigent qu’un board soit créé et qu’ils puissent y siéger. 

C’est un échelon supplémentaire de gouvernance que vient ajouter un board.

Pour rappel, dans une société par actions simplifiée, deux organes de gouvernance coexistent par défaut : la collectivité des associés d’une part, et les dirigeants d’autre part.

La collectivité des associés est compétente pour prendre les décisions relatives à la structure juridique qu’est la société. Ainsi, c’est la collectivité des associés qui est compétente pour prendre des décisions relatives au changement de la dénomination sociale, au transfert du siège social, à l’approbation des comptes annuels, à la transformation de la forme de la société, à l’augmentation de capital et plus largement à l’émission de titres donnant accès au capital, à la réduction de capital ou encore à la distribution de dividendes.

Mais les associés ne peuvent pas prendre de décisions opérationnelles. C’est le rôle des dirigeants d’une société par actions simplifiée de prendre ce type de décisions.

En effet, les dirigeants, eux, sont compétents pour prendre toutes les décisions de gestion courante et engager la société vis-à-vis de tiers. Ce sont donc les dirigeants qui peuvent recruter des salariés, embaucher des stagiaires, faire des achats de matériel, signer des contrats avec des prestataires, contracter un prêt dans une banque, etc. 

Les investisseurs ne sont jamais dirigeants de la société et ils veillent d’ailleurs à ne jamais pouvoir être considérés comme des dirigeants dans les faits de peur de voir leur responsabilité éventuellement engagée au titre d’une faute de gestion. Les investisseurs, qui investissent en equity c’est-à-dire en souscrivant des actions de la société, sont en revanche associés de la société mais ils sont la plupart du temps associés minoritaires et n’ont donc pas toujours assez de voix pour empêcher une décision d’être prise. C’est pourquoi les investisseurs souhaitant avoir un droit de contrôle à la fois sur les dépenses significatives faites par la société avec les fonds investis, et sur les décisions stratégiques pouvant avoir un impact sur l’actionnariat de la société, exigent d’avoir la possibilité de donner leur avis sur ces décisions.

Pour leur permettre de faire cela alors qu’ils ne sont pas dirigeants de la société et ne détiennent pas nécessairement une part du capital social suffisante pour bloquer une décision, les fondateurs et investisseurs se mettent d’accord pour instituer contractuellement un board. Concrètement, le board est mis en place par le pacte d’associés qui est conclu entre les fondateurs et investisseurs à l’occasion de l’entrée au capital de ces derniers. Le pacte d’associés décrit toutes les règles de fonctionnement du board. En particulier, le pacte d’associés prévoit que les dirigeants de la société ne pourront pas prendre certaines décisions sans obtenir l’accord de la majorité des membres du board (cette majorité devant inclure le vote positif d’un ou plusieurs investisseurs ayant un siège au board) et que ces décisions ne pourront pas non plus être soumises au vote de la collectivité des associés sans avoir préalablement recueilli l’accord de la majorité des membres du board mentionnée ci-dessus.

La liste des décisions soumises à l’approbation du board contient en général les décisions suivantes ou des décisions équivalentes :

  • Adoption du budget annuel de la société,
  • Distribution de dividendes, 
  • Émission de titres donnant droit, immédiatement ou à terme, à une quotité du capital de la société et notamment la mise en place de plans de BSPCE, BSA ou actions gratuites,
  • Prises de participation par la société au capital d’autres sociétés,
  • Fusion ou scission de la société,
  • Achat ou vente d’actifs immobilisés ou de biens immobiliers,
  • Vente ou concession de droits de propriété intellectuelle, licences ou marques liés directement au domaine d’activité de la société,
  • Souscription de tout engagement financier (notamment de tout emprunt) non prévu au budget d’un montant supérieur à un certain seuil,
  • Embauche, licenciement et fixation de la rémunération de tout employé de la société lorsque sa rémunération annuelle brute dépasse un certain seuil,
  • Fixation ou modification de la rémunération des dirigeants (président, directeur général, directeur général délégué) lorsque cette rémunération est d’un montant annuel brut supérieur à un certain seuil. 

Prenons des exemples pour illustrer les choses.

Premier exemple : les fondateurs souhaitent recruter un profil senior dont les prétentions salariales sont supérieures au seuil fixé dans la liste des décisions figurant dans le pacte. Cette décision de recrutement est de la compétence des dirigeants de la société mais en vertu du pacte, afin de pouvoir le recruter et signer son contrat de travail, les dirigeants devront obtenir préalablement l’accord des membres du board à la majorité requise. Si le board autorise cette embauche, alors les dirigeants pourront signer le contrat de travail du profil repéré. A défaut, les dirigeants ne pourront pas l’embaucher.

Deuxième exemple : les fondateurs souhaitent mettre en place un nouveau plan de BSPCE pour fidéliser leur équipe. Cette décision, qui consiste à émettre des titres donnant accès au capital de la société, est de la compétence des associés. Aussi, en vertu du pacte, avant de pouvoir consulter les associés sur ce projet, les dirigeants de la société doivent obtenir l’accord des membres du board à la majorité requise. Si cet accord n’est pas obtenu, les dirigeants ne pourront pas soumettre ce projet au vote de la collectivité des associés. En revanche, si cet accord est obtenu, les dirigeants pourront consulter les associés sur la mise en place du plan de BSPCE. Les associés devront à leur tour se prononcer pour ou contre la mise en place du plan de BSPCE. 

Les exemples mentionnés ci-dessus illustrent la face « sombre » du board ou tout du moins le rôle redouté par les fondateurs. Ces derniers sont souvent craintifs à l’idée de mettre en place un board et c’est légitime puisque cela ajoute une étape dans le processus de décisions stratégiques et peut rallonger la prise de décisions, voire même empêcher les fondateurs dans la prise de décisions.

Tant que des fondateurs ont la possibilité d’éviter de mettre en place un board décisionnaire, ils ont tout intérêt à le faire s’ils veulent préserver l’un des atouts majeurs d’une jeune société : l’agilité et la rapidité dans la prise de décisions. 

Toutefois, comme évoqué plus haut, l’institution d’un board peut être inévitable surtout lorsque des fonds d’investissement entrent au capital. Des remèdes peuvent alors être apportés à ce mal apparent.

 

3. Comment optimiser le fonctionnement d’un board ? 

D’abord, la crainte que peut susciter la création d’un board peut être relativisée et il est possible de voir le board comme un « plus » et pas un « moins ».

Premièrement, le board a son mot à dire sur des décisions bien déterminées. Certes sur des décisions stratégiques mais néanmoins sur un échantillon limité de décisions et pas sur la totalité des décisions qui sont à prendre pour la conduite de l’activité de la société.

Deuxièmement, le board n’a pas un pouvoir de prise de décisions en tant que tel. Il peut censurer des décisions mais il ne peut pas, à lui seul, prendre des décisions qui s’imposeraient aux dirigeants, aux associés et à la société.

Attention par exemple à cette crainte relativement répandue chez les primo entrepreneurs de « se faire virer par le board » qui tient plus du fantasme que de la réalité. D’abord, ce fantasme provient du monde anglo-saxon où le board a un rôle souvent plus proche du conseil d’administration d’une société anonyme et a des pouvoirs de direction lui permettant de prendre une décision contrairement à un board d’une startup française qui a simplement un rôle de censeur, d’ « empêcheur de faire » et ne peut pas prendre des décisions en lieu et place des dirigeants ou des associés. Par ailleurs, les investisseurs s’ils investissent, investissent parce qu’ils ont confiance dans les capacités des fondateurs et comptent sur leur implication sur la durée. Ils ne rêvent pas secrètement de pouvoir remplacer les fondateurs par leurs amis ou par des connaissances professionnelles auxquelles ils auraient besoin de faire une faveur, ce que, de toute façon, ils n’ont pas le pouvoir de faire.

Troisièmement, plus globalement, il n’est pas inutile de rappeler que le rôle du board ne se cantonne pas au rôle de chambre d’enregistrement des décisions les plus importantes de la société, distribuant ses vétos au gré des décisions qui lui sont soumises. Le board a également un rôle de conseil stratégique. Le board est un lieu d’échange permettant la discussion et la réflexion sur les orientations stratégiques de la société. Sans compter que les fondateurs peuvent, s’ils le souhaitent, développer également des relations interpersonnelles avec chaque membre du board et solliciter ces derniers en dehors de toute réunion du board. C’est de la responsabilité des fondateurs de tirer de leur board ce qu’ils en veulent.

Ensuite, il est judicieux d’avoir connaissance des bonnes pratiques en la matière et ce, afin de mettre en place le board le plus sain et le plus utile possible. Trois sujets méritent d’être réfléchis pour optimiser le fonctionnement d’un board et en tirer le maximum.

 

La composition du board

Combien de membres inclure dans un board ? Tout dépend évidemment du stade de développement de la société. Au début de la vie de la société, privilégiez un board à trois membres dont deux fondateurs opérationnels et un investisseur. Puis, au gré des tours de table de la société, le nombre de membres augmente pour atteindre parfois sept ou huit membres. Plus la société avance dans son développement, plus nombreux seront les investisseurs à vouloir siéger au board : il convient de gérer les susceptibilités des historiques qui peuvent avoir du mal à lâcher leur siège pour le céder à un nouvel investisseur (ce qui n’est pas toujours dans l’intérêt des fondateurs qui peuvent avoir lié une relation stratégique avec un historique qui pourrait avoir tendance à se ranger plutôt du côté des fondateurs que des nouveaux entrants). Il faut alors savoir composer et faire accepter le passage de témoin. Par ailleurs, lorsque la société se développe, en plus des fondateurs opérationnels et des investisseurs, des membres dits indépendants peuvent s’adjoindre au board. Dotés d’une expertise très spécifique ou d’une expérience reconnue, ces profils sont appelés à siéger au board pour enrichir les conversations et apporter une perspective différente.

À noter que pour éviter d’être mis en difficulté par un membre du board qui s’accrocherait trop fortement à son siège, il est recommandé de prévoir des durées déterminées de mandat.

 

Les réunions du board

Les réunions du board ont en général lieu au moins une fois par trimestre et à chaque fois que cela est rendu nécessaire par l’actualité de la société. Ces réunions peuvent être perçues par les fondateurs comme des moments de contrôle par les investisseurs de leur gestion ou de leurs choix stratégiques pour les mois à venir. Alors que ces réunions peuvent en réalité être sources d’échanges fructueux permettant aux fondateurs de puiser dans l’expérience et l’expertise des membres de leur board pour les aider à prendre des décisions importantes. C’est aux fondateurs d’impulser cet état d’esprit et de faire en sorte que le board leur apporte quelque chose.

Au-delà des réunions trimestrielles « institutionnelles », il peut être conseillé aux fondateurs de tenir régulièrement informés les membres de leur board par mail ou par message sur les évolutions de la société instaurant de ce fait une forme de continuité de la relation entre les réunions du board. Ainsi, non seulement les investisseurs restent informés régulièrement de l’évolution de la société de sorte qu’au moment de se réunir avec le board, la réunion ne sert pas à faire un simple résumé de la situation de la société des derniers mois mais plutôt à discuter et échanger sur les orientations stratégiques de la société et les décisions dures et/ou délicates à prendre. Mais en plus, cela permet de nouer une relation de proximité avec les membres du board, ce qui ouvre la perspective à des échanges plus informels et plus réguliers et offre aux fondateurs le luxe de solliciter au jour le jour les membres de leur board un peu comme ils pourraient le faire avec un conseil ou un membre de leur équipe.

 

La rémunération des membres du board

Les investisseurs professionnels ne sont jamais rémunérés pour siéger au board d’une startup. Tout au plus bénéficient-ils de la possibilité de se faire rembourser les frais de déplacement liés à la tenue de la réunion du board.

Pourtant, cette question de la rémunération des membres de board est revenue sur le devant de la scène lorsqu’en 2019, la loi PACTE a introduit la possibilité d’attribuer des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), mécanisme d’intéressement au capital soumis à un régime fiscal de faveur, aux membres des conseils d’administration, des conseils de surveillance des sociétés par actions ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent. S’est alors posée la question de la possibilité d’attribuer des BSPCE aux membres investisseurs ou indépendants des boards mis en place dans les sociétés par actions simplifiées. Mais à ce sujet, l’administration fiscale a précisé qu’en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, il convient de se référer à leurs statuts pour déterminer si l’organe statutaire est équivalent au conseil d’administration ou de surveillance d’une société anonyme. L’organe est considéré comme équivalent lorsque les statuts prévoient que son fonctionnement, ses missions et ses pouvoirs sont similaires à ceux du conseil d’administration ou du conseil de surveillance prévus par le code de commerce. En particulier, pour être considéré comme similaire, l’organe statutaire doit pouvoir être regardé comme un organe ayant le même pouvoir de nommer ou révoquer les dirigeants qu’un conseil d’administration ou un conseil de surveillance d’une société anonyme.

Autrement dit, un board de startup ne répond quasiment jamais à cette définition. Ainsi, si intéressement au capital d’un membre de board il doit y avoir, cet intéressement ne peut pas prendre la forme de BSPCE et prendra plus vraisemblablement la forme de bons de souscription d’actions (BSA). Encore faut-il que le principe de la rémunération soit légitime et pertinent, ce qui n’est pas nécessairement toujours le cas et nécessite une approche au cas par cas.

 

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Un grand merci à OMADA pour la rédaction de cet article. OMADA est un cabinet d’avocats entrepreneurs qui conseille et accompagne tout porteur de projet à tous les stades de développement de son projet (de la constitution à la revente en passant par ses différents tours de financement) sur les sujets corporate, venture capital et M&A. www.omada-avocats.com